La Chirurgie de cytoréduction péritonéale et la CHIP
La chirurgie de cytoréduction et la CHIP (Chimiothérapie Hyperthermique Intra-Péritonéale) sont proposés pour le traitement des carcinoses péritonéales : la maladie visible (maladie macroscopique) est traitée par une chirurgie de cytoréduction puis la maladie invisible à l’œil nu (maladie microscopique) est détruite par la chimiothérapie chauffée placée directement dans la cavité péritonéale, immédiatement après la chirurgie au cours de la même intervention.
La chirurgie de cytoréduction associe des gestes de péritonectomies (pelage du péritoine atteint par la maladie) et des gestes de résection d’organes quand ces organes sont atteints et que le péritoine qui les recouvre ne peut être enlevé.
La CHIP est réalisée juste après le geste de chirurgie au cours de la même anesthésie générale
La première CHIP a eu lieu en Europe, en 1989, à l’initiative du Pr François-Noël Gilly de l'hôpital Lyon-Sud. Cette activité a été depuis développée par le Pr Olivier Glehen. En 2022, plus de 3 000 chirurgies de cytoréduction et CHIP ont été réalisées pour des maladies rares du péritoine (maladie gélatineuse du péritoine ou pseudomyxomes péritonéaux, mésothéliomes du péritoine) et pour les métastases ou carcinoses péritonéales plus fréquentes (d’origine ovarienne, colorectale, appendiculaire, gastrique)
Pour qui ?
C’est le traitement de référence des pseudomyxomes péritonéaux, des mésothéliomes péritonéaux.
La chirurgie de cytoréduction avec ou sans CHIP est le seul traitement curatif des cancers ovariens à différents stades de la maladie (initial ou récidive)
C’est le seul traitement curatif des métastases ou carcinoses péritonéales d’origine digestive (colorectale, gastrique).
Ce traitement peut être proposé également pour prévenir la survenue de métastases péritonéales lorsque le risque est trop important dans certains cancers colorectaux et surtout gastriques.
Ce traitement nécessite une expertise et une expérience chirurgicale importante et surtout une équipe multidisciplinaire qui implique aussi bien les chirurgiens que les anesthésistes, les oncologues/gastroentérologues, les radiologues, les pathologistes et le personnel paramédical (infirmières, psychologues, kinésithérapeutes, aides soignantes, assistante sociale, secrétaires médicales) pour un parcours de soin le plus optimisé possible.
Comment se déroule une chirurgie de cytoréduction avec CHIP ?
Avant l’intervention
Une consultation avec l’équipe chirurgicale et anesthésique a systématiquement lieu avant de programmer une date opératoire. Cette équipe doit pouvoir consulter l’ensemble des éléments du dossier et de l’histoire de la maladie (traitements déjà effectués, résumé clinique médical) et avoir à disposition l’ensemble des examens radiologiques effectués (CD, images) depuis le début de la maladie. C’est essentiel pour permettre de valider ou non la bonne indication du traitement. Cette consultation permet au médecin d’expliquer les risques et les bénéfices attendus par ce traitement. Elle permet également de réfléchir à la meilleure période pour effectuer cette chirurgie par rapport aux éventuels cycles de chimiothérapie que le patient reçoit. Des examens radiologiques à type de scanner, IRM et/ou PET-scanner peuvent être réalisés avant la chirurgie et seront programmés par la secrétaire médicale.
Une consultation de préhabilitation sera programmée avec un infirmière spécialisée pour mettre en place une préparation à l’opération et ainsi améliorer pour chacun l’état nutritionnel, physique, respiratoire et psychologique. Il est essentiel d’arriver le jour de l’opération dans sa meilleure forme pour récupérer mieux et plus vite. L’infirmière spécialisée de préhabilitation s’assurera avant l’intervention du bon déroulement de la préparation.
Le médecin anesthésiste programmera la mise en place d’un PICC-LINE (Cathéter Central Inséré par Voie Périphérique) afin de protéger le capital veineux des patients. Il demandera également une consultation de cardiologie et un bilan sanguin dans la plupart des cas. Il présentera également les différentes techniques à sa disposition pour lutter contre la douleur post-opératoire (péridurale, pompe à morphine…).
L’hospitalisation est le plus souvent programmée le jour même de la chirurgie à l’unité d’accueil du CHLS.
Pendant l’intervention
L’intervention chirurgicale est réalisée sous anesthésie générale c’est-à-dire que les patients dorment complètement du début à la fin. Lors de leur arrivée au bloc opératoire, les patients sont allongés sur le dos (décubitus dorsal). Une laparotomie est pratiquée et dans de exceptionnels cas une coelioscopie. Il s’agit d’une ouverture de la paroi abdominale qui va du pubis jusqu’au-dessus du nombril. La durée de l’intervention (de plusieurs heures) varie en fonction de chaque patient. Elle est liée à la fois à l’étendue de la maladie et aux antécédents chirurgicaux. Si le patient a déjà été opéré au niveau abdominal, des adhérences ont pu se créer. Elles obligeront le chirurgien à les supprimer pour accéder à la totalité de l’abdomen.
Le chirurgien doit procéder à un examen approfondi de toute la cavité abdominale afin de visualiser l’étendue de la maladie, avant de débuter la chirurgie de cytoréduction. Si cette étendue permet une chirurgie complète de la maladie et que la chirurgie n’entraîne pas trop de risques postopératoires de complications ou de séquelles, il débute l’ablation des organes atteints par la carcinose péritonéale et réalise des péritonectomies pour ôter les parties de péritoines touchées.
Si le tube digestif est atteint, des résections d’estomac, de colon, d’intestin grêle ou de rectum peuvent être nécessaires. Dans ce cas-là, le chirurgien est amené à réaliser une résection suivie d’une anastomose (remise en continuité). Si plusieurs gestes de ce type sont effectués, il peut alors confectionner une iléostomie provisoire (poche provisoire pour le recueil des selles sur l’abdomen). La dérivation des selles va ainsi protéger les sutures situées en aval (« au dessous »).
Une fois la chirurgie terminée, l’installation des drains (tuyaux en silicone) pour la CHIP sont placés dans l’abdomen à travers la peau. La laparotomie est refermée sur différents plans (plans profonds et superficiels) par des fils. Un pansement est ensuite mis en place. Les drains sont reliés à la machine de CHIP qui peut débutée.
La chimiothérapie est diluée dans plusieurs litres de liquide qui va être chauffé entre 41.5 et 42.5°C. Ce liquide circule ensuite dans l’abdomen du patient pour une durée variant de 30 à 90 minutes en fonction du protocole décidé par l’équipe médicale. Tous les viscères (organes contenus dans la cavité péritonéale) et la paroi de l’abdomen sont ainsi baignés par la chimiothérapie. Les cellules résiduelles invisibles à l’œil nu sont alors exposées à des concentrations élevées de chimiothérapie de manière directe (ce qui n’est pas le cas lorsque l’on utilise la voie intraveineuse).
Une fois la CHIP terminée, les drains sont débranchés de la machine et ôtés. Seuls les drains destinés à évacuer les fluides (sang) sont laissés en place. Le patient est alors muté pour une nuit en service de réanimation.
Après l'intervention
Après la CHIP, le patient est muté en service de réanimation où il reste en moyenne une journée. Il est doucement réveillé et extubé (débranché de la machine qui l’aide à respirer durant l’anesthésie générale). La durée totale du séjour en réanimation dépendra de l’importance de la chirurgie et peut varier d’une nuit à plusieurs jours.
La douleur est évaluée plusieurs fois par jour et elle contrôlée soit par une péridurale contrôlée par le patient soit par une pompe délivrant de la morphine également gérée par le patient. Par ailleurs, d’autres traitements contre la douleur sont régulièrement mis en place par les infirmières sur prescription des médecins.
Des procédures de RAC (Réhabilitation Améliorée après Chirurgie) sont mises en place et adaptées à chaque chirurgie, pour diminuer les complications post-opératoires et faciliter la récupération : lever le plus précoce possible, reprise alimentation, limiter les tuyaux laissés en place) avec l’aide des infirmières et kinésithérapeutes des services de réanimation et du service. Les drains sont enlevés petit à petit en fonction de la quantité de liquide qu’ils donnent.
Après les services de réanimation, le patient regagne le service de chirurgie générale où il termine sa récupération avant de rentrer soit à son domicile soit en maison de repos.
Effets secondaires de la chirurgie de cytoréduction et de la CHIP
Tout au long du parcours du patient, des précautions sont prises pour limiter les risques. Malheureusement, des problèmes peuvent toujours survenir. Vous trouverez ci-dessous une liste des plus graves complications liées principalement à la chirurgie de cytoréduction.
Pendant l'intervention
Les vaisseaux sanguins sont nombreux dans la paroi abdominale. Ils peuvent être blessés accidentellement et entraîner en conséquence des saignements (hémorragie ou hématome). Les chirurgiens mettent tout en œuvre pour arrêter ces saignements lorsqu’ils apparaissent. En dernier recours, des transfusions peuvent être nécessaires pour compenser ces pertes de sang.
Lorsque des sutures sont pratiquées sur le tube digestif, elles peuvent ne pas cicatriser et entraîner des fistules. Même si elles sont rares, ces manifestations apparaissent 2 à 7 jours après l’opération et peuvent entraîner de la fièvre, des douleurs abdominales, des écoulements anormaux dans les drains. Elles peuvent être traitées soit médicalement (par la mise en place d’antibiotiques et d’autres traitements) soit chirurgicalement, soit endoscopiquement (les gastroentérologues peuvent réaliser des endosccopies pour mettre en place des drains internes) .
Après l'intervention
Des abcès (infection) peuvent apparaître sur les cicatrices ou en intra abdominal. Ils sont alors traités par la mise en place d’antibiotiques adaptés, de soins infirmiers locaux, de drainages radiologiques ou de réinterventions chirurgicales.
Le transit intestinal (digestion) peut mettre plusieurs jours à reprendre à cause du geste chirurgical. Les médecins peuvent alors ralentir la reprise alimentaire et prolonger la mise en place de perfusions et le jeun. Si des vomissements interviennent, une sonde peut être posée pour vidanger l’estomac et le mettre au repos.
Le risque de phlébite et d’embolie pulmonaire est important. En prévention, les médecins prescrivent dès le lendemain de la chirurgie des anticoagulants afin de rendre le sang plus fluide, des bas de contention et un lever précoce. Le risque d’apparition de caillots existe cependant. Ils peuvent alors se bloquer soit dans les veines et donner des phlébites des jambes ou des bras ou migrer jusqu’aux poumons et donner des embolies pulmonaires.
Ces risques sont connus par les médecins qui mettent tout en œuvre pour les prévenir grâce à la coopération entre les différentes spécialités médicales (chirurgie, anesthésie, radiologie).